Les systèmes d'élevage de ruminants reposant l'utilisation principale de ressources herbagères naturelles ou cultivées représentent une part importante des productions animales à l'échelle mondiale (plus de 65% des protéines issues de ruminants), en particulier dans les pays en voie de développement et émergents. Dans ces pays, les exploitations familiales de ruminants basées sur le pâturage non seulement permettent à nombre de familles rurales d'assurer leurs revenus et leur sécurité alimentaire dans des régions souvent reculées et à productivité peu élevée, mais représentent également la base de structuration socio-économique et socioéconomique des territoires, et le fondement du développement d'un capital culturel riche, ancien et ancré solidement dans les sociétés. Ces multiples fonctions liées à l'élevage à l'herbe, exacerbées par l'empreinte spatiale et par l'organisation collective souvent nécessaire de ces formes d'élevage, sont trop souvent négligées dans les évaluations de performances des systèmes d'élevage et les politiques de développement agricole et rural. L'évaluation de la multifonctionnalité est complexe, requiert des approches à la fois multidisciplinaires pour en mesurer toutes les dimensions, et participatives pour inclure les différents acteurs concernés dans l'identification et la gestion de ces fonctions. Nous illustrons ici l'intérêt mais aussi la complexité de ces approches à partir de trois situations dans le monde, distinctes par leurs contextes tant agro-écologiques que socio-économiques : au Sahel sénégalais, en Amazonie brésilienne et dans les montagnes vietnamiennes. Au Sahel l'exemple du développement d'une petite filière laitière industrielle locale en milieu pastoral démontre les impacts sensibles sur le niveau de vie des pasteurs mais aussi sur l'organisation sociale, la sécurité alimentaire, l'environnement, le développement territorial. En Amazonie brésilienne, l'élevage de ruminants sur défriches forestières anciennes permet au