Les critères génétiques et agronomiques sont insuffisants pour expliquer les distinctions que les agriculteurs établissent entre un hybride naturel et un hybride moderne de cocotier dans le Sud de l'Inde. Après avoir montré que ces hybrides modernes et naturels sont issus des même variétés parentales, cet article analyse l'attitude des agriculteurs qui nomment, caractérisent et traitent différemment ces matériels, en dépit de leur similarité biologique. D'un point de vue anthropologique, cette évaluation variétale n'est pas un processus libre ou isolé, mais une comparaison qui amène les agriculteurs à révéler par contraste des caractéristiques de leurs cultivars traditionnels, servant de référentiel. Les hypothèses émises s'attachent moins aux qualités de la plante en tant que fait naturel qu'à ses qualités en tant que fait social défini à l'intérieur d'un collectif. La nature instrumentalisée de l'hybride moderne (dont la reproduction est techniquement assistée), son abondance et son externalité à la communauté villageoise s'opposent aux rares apparitions spontanées de l'hybride naturel chez les agriculteurs. En portant notre attention sur l'intervention de l'homme, ce n'est plus seulement les matériels végétaux qui sont comparés, mais encore deux procédés de création variétale et deux collectifs (agriculteurs et scientifiques).