Une gestion plurielle des illégalismes : négociations et contradictions dans la régulation des eaux usées au Maroc
Mayaux P.L., Fezza N., Bouzidi Z.. 2022. L'Année du Maghreb, 2 : p. 141-156.
Les travaux sur la gestion des illégalismes par l'État se focalisent le plus souvent sur leur traitement différentiel selon les groupes sociaux concernés. Ce faisant, ils s'intéressent moins aux rapports de force, négociations et compromis internes à l'État qui façonnent la régulation des pratiques illicites. En miroir de la gestion différentielle des illégalismes, cet article se penche ainsi, dans le cas du Maroc, sur leur gestion plurielle, telle qu'elle émerge des interactions entre une diversité d'organisations publiques concernées par un même ensemble de pratiques extra-légales, et qui nourrissent des positionnements différents à leur égard. Il le fait en étudiant l'utilisation d'eaux usées non traitées, donc fortement contaminées, pour une petite agriculture maraîchère au coeur de la ville de Meknès. La gestion de ces usages d'eau illicites implique en premier lieu les agents locaux du ministère de l'Intérieur (les moqqadems) ainsi que leur hiérarchie (caïds, Direction générale des affaires intérieures à Rabat). Mais elle mobilise également d'autres acteurs publics, à l'image de la Régie autonome de distribution de l'eau et d'électricité de Meknès (RADEM), de l'Agence de bassin hydraulique du Sebou (ABHS) qui délivre les autorisations d'usage de l'eau, et de la commune de Meknès. Comment toutes ces organisations interagissent-elles donc dans la gestion de ces illégalismes, et avec quels effets ? L'enquête révèle que la gestion des illégalismes est parcourue de tensions et de contradictions entre ces différents segments de l'État. Ces tensions engendrent des compromis instables et de fréquents basculements entre indulgence, négociations et coercition. Ainsi, les moqqadems se montrent structurellement portés à l'indulgence en raison de deux facteurs principaux : leur confrontation directe et quotidienne avec les capacités de résistance collective des usagers, qui les dissuade de réprimer trop fortement ; et leur homologie de position subalterne avec ces derniers
Mots-clés : réutilisation des eaux; traitement des eaux usées; eau usée; gestion des eaux; pratique illégale; maroc
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Agents Cirad, auteurs de cette publication :
- Mayaux Pierre-Louis — Es / UMR G-EAU