Cet article s'interroge sur la fabrique de la transparence au sein des filières alimentaires à partir de la restitution de deux négociations au cours desquelles l'industrie et la grande distribution ont arbitré sur la circulation et le partage d'informations " sensibles " sur les produits qu'elles commercialisent. Le premier cas constitue une controverse au sujet du partage de données indiquant le caractère génétiquement modifié de la nourriture des animaux destinés à l'alimentation humaine. Le second cas constitue une série de négociations relatives à l'ouverture de données permettant d'indiquer le Nutri-Score des produits. La mise en perspective de ces deux cas nous permet de relativiser certains discours actuels selon lesquels le développement des technologies numériques devrait entraîner un accroissement inexorable de la transparence des aliments et des filières. Nous montrons plutôt que la transparence est un processus négocié et que des formes d'ignorance peuvent résulter de ces négociations. Ces formes d'ignorance, loin d'être le seul fruit d'une production intentionnelle et stratégique, apparaissent souvent comme le sous-produit d'autres logiques – organisationnelles, logistiques, politiques, juridiques – qui peuvent être plus ou moins indépendantes vis-à-vis de la question de l'ignorance.